Charles, Laurene, Louis et Tanguy ont fait le pari fou de traverser les quelques 20 000 km qui séparent Bangkok de Paris en tuk-tuk. Après avoir passé un an en tant que volontaires en Asie du sud-est pour l’ONG Enfants du Mékong, ces quatre amis ont décidé de rentrer à la maison en tuk-tuk. Une belle épopée de 6 mois, sur laquelle nous revenons avec Louis, l’un des 4 téméraires.
Le Magazine du Voyageur : Peux-tu nous dire un mot sur le projet associatif qui est autour de cette aventure ?
Louis : On a passé un an au Vietnam (Laurène et moi) et au Cambodge (les deux autres) à bosser pour l’association « Les enfants du Mékong » qui aide les jeunes les plus défavorisés de 7 pays d’Asie à aller à l’école. En France, des parrains contribuent de 24 € par mois pour aider leur filleul.
Il y a deux ans, une première expédition des « facteurs du Mékong » était partie en tuk-tuk. On a regardé leur vidéo avec Laurène un soir et on s’est dit « on le fait ! ». Le but c’était donc de ramener 100 lettres écrites par des filleuls à leurs parrains en France en mains propres, le tout en tuk-tuk.
L’objectif c’était de faire parler de l’asso et de trouver 100 nouveaux parrains. On doit être autour de 80 !
Quel était votre itinéraire ? Avez-vous suivi à la lettre l’itinéraire prévu au départ ?
Quand on est partis d’Asie du sud-est on est partis de Bangkok. En partant d’Asie, si on regarde une carte, on n’a pas trop le choix. On est obligé au début de prendre plein nord par le Laos et la Chine. On a tracé vers le nord, direction Chine : le Yunnan hyper tropical, l’Himalaya chinois et ensuite le désert de Gobi tout au nord et là, on a tracé plein ouest vers le Kazakhstan et ensuite on est descendus en Iran par des pays qu’on ne connait pas beaucoup : l’Ouzbékistan et le Turkménistan.
Ensuite l’Iran pendant 2 semaines, la Turquie pendant 2 semaines et ensuite on est arrivés en Europe et là on n’avait pas vraiment défini de plan à l’avance. Une fois rentrés dans Schengen c’est beaucoup plus simple. Du coup on est passé par la Grèce, l’Albanie, le Monténégro, la Croatie, la Slovénie, l’Italie et finalement la France.
On a respecté à peu près tout ce qu’on avait prévu de faire jusqu’en Europe, parce qu’en fait on n’a pas trop le choix, si on veut éviter l’Himalaya, la Birmanie où on n’a pas le droit d’entrer en voiture et après l’Afghanistan, la Syrie et l’Irak.
Ce qu’on n’avait pas réussi à prévoir c’est le temps qu’il fallait pour avoir des visas. On s’est retrouvés bloqués un mois au Kazakhstan par exemple. Sur internet on avait des infos sur ces pays-là mais en fait elles changent toutes les deux semaines. Il faut vraiment aller à la frontière, avec le tuk-tuk – et c’est ça aussi le problème, ils n’en ont jamais vu – pour voir ce qu’ils disent.
Où dormiez-vous ?
En Asie on trouvait assez facilement des hôtels qui ne coûtent rien du tout. Une fois au Moyen Orient et en Europe, on dormait beaucoup sous la tente et chez les gens. On se posait dans un café, et on discutait avec les gens à côté de nous et finalement on se faisait inviter chez eux. Ce qui marchait moins bien c’est quand on sonnait directement chez eux, à quatre, ça leur faisait un peu peur.
Et on dormait beaucoup chez nos garagistes aussi ! On y a passé beaucoup de temps…
Justement, puisqu’on parle de garagistes, avez-vous compté le nombre de pannes qui vous avez eues ?
Je pense qu’en 6 mois on a passé en moyenne 1 jour sur 3 ou 1 jour sur 4 chez le garagiste. Au début on n’y allait jamais parce que le tuk-tuk était vraiment neuf. Après on y allait tout le temps ! En Turquie on est allé tous les soirs chez le garagiste pendant 12-13 jours.
Le garagiste arrivait toujours à remettre le tuk-tuk d’aplomb, mais du coup il est devenu un peu pourri au fur et à mesure… A la fin il était complètement bricolé.
Quelle a été pour toi la rencontre la plus marquante du voyage ? Le fait de ne pas parler la langue n’a pas été trop un problème ?
On a tous vécu en Asie pendant 1 an avant de partir, du coup on avait l’habitude de vivre avec des gens qui ne parlaient pas du tout la langue qu’on parle, et donc d’avoir des diners un peu gênants où tu sais pas trop où te mettre ! Après, tu te démerdes avec les gestes, et puis tu rigoles beaucoup surtout. Il y a toujours quelqu’un dans le village qui parle anglais, du coup ils l’appellent et il fait l’interprète.
Ça, ça nous arrivait beaucoup au Moyen Orient, quand on arrivait quelque part, les gens appelaient tous leurs copains qui parlaient un peu anglais et ensuite on pouvait discuter un peu plus. Et puis, une fois sur trois on tombait sur des gens qui parlaient anglais et là c’était passionnant parce qu’ils pouvaient nous raconter un peu mieux leur pays.
Pour les rencontres, il y en a eu un paquet ! En Iran, ce qui nous a vachement marqué ce sont les rencontres qu’on a faites dans les maisons du Croissant Rouge – c’est l’équivalent de la Croix Rouge. Il faisait tellement froid que le soir, on s’arrêtait là. C’est l’Iran, dans la rue on ne croise pas de femmes, on sent parfois que l’ambiance est très particulière.
Et quand on rentrait dans ces abris du Croissant Rouge, et en règle générale quand on rentrait dans l’intimité d’une maison en Iran, on retrouvait une ambiance hallucinante. Les mecs jouaient tous à FIFA, au babyfoot, ils ne parlaient que de filles. C’est si différent de ce que tu vois pendant la journée dans la rue que ces rencontres avec ces mecs-là nous ont vraiment passionnées.
On s’est tellement marré avec eux. En fait on a retrouvé en Iran un humour occidental, ou tout le monde se fout un peu de la gueule de tout le monde, quelque chose qu’on n’avait jamais trouvé en Asie pendant un an.
Les pays en -stan sont très peu connus par nous autres Français/Européens. Après être passé au Kazakhstan, en Ouzbékistan et au Turkménistan, comment nous donnerais-tu envie d’y aller ?
Au Turkménistan, ils n’ont pas envie qu’on y aille ! On a eu beaucoup de mal à y aller. Normalement ils ne délivrent presque plus de visas de transit. Sur les 4, on est deux à réussir à avoir un visa de transit de 3 jours. Ce pays est hallucinant. Depuis la fin de l’URSS, deux dictateurs se sont succédé, les deux sont des malades !
La capitale qui s’appelle Achgabat est construite 100 % en marbre blanc et en or. Ils ont fait interdire il y a un an les voitures autres que blanches. Donc toutes les voitures sont blanches. L’ancien dictateur a fait construire une statue de lui de 100 mètres de haut en or qui tourne avec le soleil…
Bref, tu ne comprends rien, tu as presque l’impression d’être dans une secte. On ne pouvait pas s’arrêter de marcher ou de rouler, sans se faire arrêter. Et puis bon, notre tuk-tuk vert fluo au milieu de tout ça ne nous rendait vraiment pas très discrets… C’était peut-être un des trucs les plus intéressants à voir de notre voyage, mais ce n’est définitivement pas une destination touristique !
Le Kazakhstan, c’est le premier pays où on est arrivés qui était très occidental. On n’en parle jamais, mais c’est un pays assez développé, ça nous a fait penser à un pays de l’Europe de l’Est post-URSS. On retrouvait pour la première fois les mêmes produits que chez nous dans les supermarchés.
En dehors des grandes villes, il y a des steppes gigantesques, et magnifiques, avec des chevaux partout. C’est un désert gigantesque en fait. En plus de ça, il y a une pluri-culture hallucinante. A l’époque de l’URSS, beaucoup de dissidents au régime étaient envoyés là, du coup aujourd’hui les turcs, les coréens, les tchétchènes vivent tous ensemble.
C’est un modèle assez intéressant. Au bout de 3 jours, tu ne fais plus la différence entre un mec qui ressemble à un mongole et un mec qui ressemble à un russe, parce qu’ils sont tous kazakh. Ça rend un truc marrant !
L’Ouzbékistan, c’est un autre petit pays du coin. A l’époque, Samarkand c’était la capitale de la route de la soie, la capitale musulmane de cette zone.
Et c’est magnifique, ils ont gardé toutes les mosquées de l’époque. Des gigantesques mosquées bleues à Samarkand et à Boukhara, plus belles que toutes celles qu’on a pu croiser sur le chemin. Il y a vraiment un patrimoine culturel ahurissant qui va du 12e au 15e siècle. Ça fait partie surement des plus belles architectures qu’on ait vues dans tout le voyage.
Quel a été votre usage d’Internet pendant cette épopée ? Notamment pour publier des nouvelles sur votre avancée, et pour vous organiser au fur et à mesure ?
On publiait beaucoup au fur et à mesure du voyage dès qu’on avait un internet qui marchait un peu. Sinon on n’avait presque pas préparé notre route, notre programme au jour le jour à l’avance.
On n’est pas comme les voyageurs des années 60 avec leurs grandes cartes. En fait c’est quand même tellement pratique Google Maps, qu’on trouvait internet quelque part et on paramétrait notre destination pour les 3 jours à venir et ensuite on se laissait guider. C’est quand même dingue, tu peux savoir si une route est à sens unique au Turkménistan…
Si vous deviez le refaire, que feriez-vous différemment ?
On se mettrait plus en lien avec des gens qui auraient fait le même trajet dans la même année. Nous on est partis en plein hiver, donc on n’a pas croisé grand monde sur la route. On aurait dû discuter plus avec des voyageurs qui l’auraient fait dans la même année que nous pour que les infos soient encore valables, et éviter les attentes interminables aux frontières par exemple !
Après, dans ce genre d’aventures, toutes les galères sont bonnes à prendre ! Quand on est restés un mois au Kazakhstan c’était au final une super bonne expérience !
Découvrez un condensé de ces 6 mois dans une belle vidéo de 6 minutes :